Dans le cadre de sa résidence au festival Furies à Châlons-en-Champagne (51), ktha Cie a demandé aux habitants du quartier du Verbeau de choisir leur phrase favorite dans le texte de la pièce On veut. Au terme d’une après-midi de discussions et de votes au pied des immeubles, trois phrases sont ressorties de la liste de revendications : « On veut des vacances », « On veut jouer au foot », « On veut la fin du pouvoir de l’argent ». Ainsi, la ktha nous a confié la mise en forme de ces phrases à l’échelle des façades de trois immeubles du quartier. Cette action sera réalisée en partenariat avec le centre social du Verbeau, le festival Furies et Nov’Habitat, le bailleur social propriétaire des bâtiments.

Nous avons fait le choix de les typographier en noir, sans effet de hiérarchie, au cinquième et dernier étage des immeubles les plus visibles. Le caractère utilisé est le Mars, en écho au projet Ce qu’on veut réalisé en 2022 avec la ktha et les élèves du Lycée Étienne Dolet à Ménilmontant. Avec Yann le Bras de la ktha Cie, nous nous sommes rendus à Châlons-en-Champagne du 15 au 19 juillet 2024 pour peindre du haut d’un nacelle ces inscriptions, sous le regard approbateur et amusé des habitant·e·s du quartier. Pourtant, dès le 19 juillet, Alain Marjolet le directeur général de Nov’Habitat — le bailleur social — panique. Les phrases choisies par les habitant·e·s ne seraient pas assez consensuelles (sic) ! « La commande reposait sur le lien social et l’apaisement, explique Alain Marjolet, directeur général du bailleur social. Et les réactions que ces inscriptions ont suscitées semblaient plutôt provoquer… l’émoi. » (L’Union, article en ligne publié le 23 juillet 2024). Selon lui, les inscriptions n’avaient pas vocations à rester. Elles devaient pourtant servir de décor à la représentation de la ktha au Verbeau le 5 octobre 2024, comme il le laissait entendre sur les affichettes adressées le 9 juillet dernier à ses locataires pour les prévenir de notre venue.
Dès le 23 juillet, une entreprise de nettoyage s’affairait pour effacer les inscriptions à 15m du sol. Outre l’argent public gâché, quelle violence pour les habitant·e·s du quartier de voir leurs choix remis en questions et leurs désirs silenciés.

Nous remercions malgré tout la ktha, le festival Furies et le centre social du Verbeau, ainsi que Cassandra Ducatillon, journaliste à l’Union, qui nous a fait l’honneur d’écrire pas moins de 3 articles sur le projet en moins d’une semaine. Elle concluait son dernier article ainsi : « En tout cas, peu importe ce qu’ils voulaient, ils n’auront pas. Il paraît que quand on veut on peut mais à la fin, c’est toujours le propriétaire qui a le dernier mot. » Raison de plus selon nous de vouloir la fin du pouvoir de l’argent…